Mars 2019
Un rêve n’est pas qu’un voile dont il suffirait de lever un coin pour tout en savoir, car «tout rêve comporte au moins un endroit où il est insondable, une espèce de nombril qui le met en connexion avec ce qui n’est pas identifié ». Allons-nous en rester à cette note de Sigmund Freud, en nous prenant pour l’ombilic de Vénus, ou en attendant notre tour aux portes de l’Éternel, pour n’être par la grâce divine qu’objet d'amour, ou comme Antonin Artaud confiné dans les limbes ? N’existe-t-il donc que le nombril du désir, l’ombilic de son objet ?
Le savoir dont nous disposons depuis Freud nous offre bien des moyens de nous éclaircir sur les rêves, malgré la nuit des songes qui les enveloppe de ses bévues.
Comme le titre l’indique : comment le désir de l’analysant est transféré à l’analyste, qui en rêve la réalisation à sa place.
Le rapport particulier du cinéaste Federico Fellini à ses rêves.
Il s'agit de montrer que le fait de rêver de son analyste, sans faire barrage à l'éros, permet à l'analysant de ne pas faire barrage non-plus au processus de sexuation durant son analyse.
C’est le récit d’un rêve rapporté en séance qui nous a fait redécouvrir la fonction de négation du rêve. Nous allons exposer ici le cheminement de cette redécouverte à travers le fragment de cette analyse. Ce fragment ne donne à entendre la fonction de négation que peut revêtir le rêve qu’en travaillant avec le transfert. Il dessine une porte. De cette vérité du mensonge qui se dit à deux voix, en entendre une pour faire advenir du trois. De l’opération de séparation qui vient nier la recherche de fusion totalisante à la fusion totalisante qui vient faire l’expérience de la perte et du manque. Du seuil au passage, le rêve dessine la porte et fait exister la pièce autrefois invisible du fantasme en acte dans le transfert. En fermant cette pièce, en en barrant l’accès, la porte donne à voir ce qui se montre d’être caché, nié dans le transfert en tant que réel. La négation désire l’interprétation.
Cet article montre l’étendue du talent de l’artiste et son profond savoir sur l’intime. Freud analysait scientifiquement une multitude de fragments de rêves pour révéler le code du rêve. Dans sa fiction, Le rêve, Zola écrit un rêve qu’il code et qui concorde avec les règles Freudiennes.
Ce roman peut donc se lire à la lumière de la théorie du rêve de Freud. Cette lecture révèle le génie de l’artiste, le savoir conscient qu’il a de l’inconscient et le talent qu’il a de communiquer si clairement et si poétiquement avec l’inconscient de son public.
Le terme mystérieux “d'ombilic du rêve” apparaît dans la Traumdeutung en deux occurrences. Lacan précisera très clairement en 1975 à Strasbourg qu'il ne s'agit pas d'un réel pulsionnel, mais plutôt d'un Urverdrangt, un refoulé primordial au sens freudien.
Ce qui ne « cesse pas de ne pas s'écrire » peut-il être actualisé par le travail de la cure, au-delà du temps et de l'espace du transfert, à travers les générations et les lieux signifiants du sujet ?
Lorsque le rêve devient passeur, passeur de mots et passeur d’histoires, sans le savoir ou presque, un signifiant circule en sourdine depuis plus d’un siècle, se frayant un passage et émergeant de temps à autre sans pour autant jusqu’à présent s’être fait attraper. De génération en génération, il se « taire » dans le fond des mémoires à en devenir même quelconque, inaperçu jusqu’à être inconnu. Le rêve « transgénérationnel» grâce au philtre du transfert n’inverserait-il pas le cours tranquille des choses en faisant passer de l’ombre à la lumière l’insignifiant au signifiant?
Ce texte tend à rendre compte de la cure de Valentin – avec son accord – à travers ses rêves. Vifs et précis, les récits oniriques mettent en scène les questions du jeune garçon qui a entrepris un travail de parole après avoir vécu, brutalement, une très grave maladie où « son pronostic vital était engagé ».
Les effets du transfert sur le rêve et réciproquement convoquent le sujet de l’inconscient aux signifiants majeurs qui constituent la trame de son histoire. Les reprendre un à un par l’analyse ouvre sur la vérité à assumer et le désir à soutenir.
Freud considérait que le contenu latent et le contenu manifeste d’un rêve ne sont que deux présentations d’un même contenu dans deux langues différentes, le contenu onirique apparaissant alors comme la transposition, la « conversion » des pensées du rêve dans un autre mode d’expression. Aussi, peut-on envisager l’un comme la dénégation de l’autre. Les associations libres du rêveur, clef de voûte de l’interprétation de son rêve, ont pour fonction d’assurer le passage du contenu manifeste au contenu latent. La dénégation joue de ce passage pour faire entendre le désir refoulé, soit par l’estampille commune du « non », du « ne… pas », soit par la diversion associative parlementaire, soit par la réversion propre aux lois qui structurent le langage.
Réalité ou fiction ? le rêve n'en reste pas moins un rébus, une fantaisie, mais qui ne peut pas ne pas être pris au sérieux. Ainsi, un récit rejoint par la réalité parce que le rêveur s'éveille et pense que c'est cette dernière qui l'a prévenu, alerté, presque comme une prémonition. Or, c'est du réel dont il s'agit, cet impossible, cet insupportable qui vient soutenir une réalité pas moins impensable à entendre. C'est ce qu'il en est de ce rêve : « Père, ne vois-tu pas que je brûle ? » où le réel vient faire trébucher ce père sur une perte qui signifie une castration sans retour, un héritage définitivement perdu, une impossible transmission.
L’image animée du rêve et du cinéma fait du sujet, par le regard qu’il lui porte, un spectateur. Production de l’inconscient du sujet même d’une part, résultat d’une impulsion d’autre part, dans un cas comme dans l’autre, celui qui regarde une image de rêve ou une image de cinéma a un rendez-vous avec son désir.
Ce spectateur est soumis à un chaos intransmissible de formes, qui surgissent et qui s’effacent, qui s’impriment et qui s’oublient. Au cinéma comme en rêve, le spectateur fasciné par le caractère hallucinatoire de l’image animée, absent au monde extérieur, régresse dans un état favorisant le souvenir de désirs infantiles.
Au cours de la même année de 1895, Sigmund Freud publie la Traumdeutung et les frères Lumière projettent le premier film de cinéma, créant en deux sphères très distinctes, un nouveau genre de spectateur : halluciné, captif, mais aussi scénariste et acteur.
L’illusion du mouvement est le résultat d’une succession d’images fixes qui défilent. Pour donner l’illusion de la vie, pour atteindre à cette mobilité dans l’espace et le temps, il faut du déplacement. Tout n’est pas montré, tant s’en faut. L’image de cinéma et l’image de rêve sont constituées de fragments dont les raccords déterminent des intervalles, à partir de quoi le spectateur-rêveur fera une histoire. Qu’en est-il de leur rapport à la tierce lacanienne du réel, du symbolique et de l’imaginaire ?
Pour avoir été très proche de l’image du rêve quant au dispositif de réception, l’image de cinéma s’en écarte, sortant du cadre, pour investir le «petit écran » de télévision, les murs de la cité, les écrans numériques. Débordée par son attractivité, l’image de cinéma est réductible à sa forme d’image animée, et, en changeant de fonctionnement, elle pourrait changer de fonction et faire du spectateur un otage.
Comme Freud l’a révélé, et que nous observons dans la clinique, lorsqu’on arrache un bout de rêve à l’oubli, il révèle ce qui nous est le plus important. C’est ainsi que lors d’un coup de force interrompant le processus de la Passe, jaillit en séance de supervision une déferlante d’images signifiantes à l’auteur. Un pas sage « ré-initialisé », qui se noue à la clinique, au transfert et au contre-transfert dans les premiers pas de l’analyste. Cette plus-value refoulée ouvre alors au rêve éveillé, jusqu’ici contenu par des aspects spécifiquement matériels. Un rêve qui ouvre de nouveaux champs et perspectives de recherche clinique, à partir d’un postulat de Jacques Lacan: la psychanalyse n’est pas une science, en cela elle est irréfutable, car c’est une pratique. Pratique que Gabriel Balbo invite aussi à confronter, – dans l’acte fondateur de la Libre Association Freudienne –, au réel de la société d’aujourd’hui pour y trouver des théories et des concepts nouveaux, se tissant en de multiples représentations dans l’Imaginaire, le Symbolique et le Réel.