La complaisance volontaire et délibérée à la servitude, n’a jamais atteint la force et l’extension qu’une science de l’information, par ses techniques, lui confère aujourd’hui. Cette science, c’est l’informatique : elle asservit qui s’en sert, sans plus pouvoir s’en désolidariser. Qu’est-elle donc d’autre qu’une névrose de contrainte ?
La Boétie, dans son Discours de la servitude volontaire, ne traite de rien d’autre que de cet asservissement à ce qu’il nomme le tyran ; mais il précise bien que cette servitude est volontaire, et elle l’est, parce que le sujet qui s’y ordonne le fait par complaisance.
L’informatique n’instaure-t-elle rien d’autre que cette demande complaisante d’une tyrannie ? Asservit-elle le sujet qui s’y soumet à autre chose qu’à un sevrage impossible ?
La Boétie appelle de tous ses vœux un contr’un libérateur. Un tel Héros existe-t-il ? On se le demande en vérité.
L’informatique, névrose obsessionnelle mondialisée - inconscient socialisé s’il en est - ne peut-elle laisser craindre que d’elle ne naissent ces fanatismes, ces compulsions pulsionnelles, dont se soutiennent aussi les névroses de contrainte, qui ne sont toutefois que singulières ? Singularité qui en limite les symptômes, au sujet qui en souffre et qui, par cette souffrance, en épargne, en défend même le social.
Ces questions cruciales, et d’autres encore, sont traitées dans ce numéro de notre revue Surgence.
Devenu en novembre 2015 Dottore Honoris Causa de l'université des Lettres de Turin, Umberto Eco y reprend brièvement dans une allocution des questions qu'il avait soulevées longuement sur les media sociaux et le journalisme lors d'une conférence intitulée La communication soft et hard, faite près de Rapallo en septembre 2014, dans le cadre d'un congrès sur la communication.
Le code binaire, dont se soutient l’informatique, est-il une langue au sens saussurien ?
C’est la question que pose, et à laquelle tente de répondre cet essai. La question est importante à traiter, tant les échanges interhumains transitent déjà par Internet, et tant le désordre y fait loi.
Quels sont les signifiants que le code binaire a laissé tomber ?
Quels sont les effets de ces faults de signifiants dans l’intersubjectivité ?
Notre rapport à « la machine » est teinté de religieux. Cette dimension fait du sujet un fidèle, un abonné qui se rend, par lui-même, prisonnier, esclave de ce dispositif. Le psychanalyste peut, s’il n’y prend garde, être pris de religiosité au risque, alors, de conduire sa pratique au simulacre.
À partir du cas d’un adolescent présentant, parmi ses difficultés, un certain accrochage aux jeux vidéo, sont réfléchis les fonctionnements du miroir et de l’écran en psychanalyse.
Car si le virtuel n’a pas attendu le développement actuel de l’informatique et des jeux vidéo en réseau, l’extension et la non-régulation de ceux-ci posent question sur notre dépendance grandissante aux écrans. Qu’est-ce qui est symbolique, ou le reste dans cette évolution technologique d’une ampleur sans précédent ?
Comment le clic d'une souris, porteur d'un espoir de liberté s'est retourné contre le sujet en lui imposant de plus en plus de contraintes ?
Au travers de diverses histoires tirées de la vie courante, vous trouverez des traces de cette névrose obsessionnelle que porte l'informatique, névrose généralisée certes mais singulière, car chaque sujet n'y cherche pas le même objet.
Quittant complètement l’argumentation de cette journée scientifique qui voulait s’occuper de l’informatique et de ses effets sur le sujet, voilà qu’une étude de cas est présentée pour essayer de comprendre ce qu’il en retourne de la névrose obsessionnelle. C’est cet homme-là qui s’occupe de la machine, fasciné qu’il est par elle. Même si cette obsession n’est pas réservée qu’à lui.
Asservis volontairement et obsessionnellement à toutes les formes d’écran donnant accès au monde imaginarisé que l’Internet procrée, à quoi le sujet et les masses se connectent-ils vraiment ?
Écran : il lui est passé commande d'une lettre, sitôt apparue en ce dehors toujours disponible et d'une parfaite neutralité où s'enregistre ce qui n'a requis nul tracé pour se trouver inscrit au lieu distant du visible. Ainsi nous fait face, en l'exil dont désormais elle s'origine, la lettre dont nous avons délégué l'événement et la garde à une surface sans accident ni relief, passible d'accueillir à l'infini les signes dont le plus souvent elle n'est pas seulement le dépôt mais la seule adresse. ...